Luvna Arnassalon-Seerungen, Head Of Sustainability at IBL Together

Comment l’économie est-elle (ré)conciliable avec l’environnement ? Nous avons posé la question à la toute nouvelle responsable du développement durable chez IBL, premier conglomérat mauricien.

Pour la jeune femme au CV déjà bien étoffé* : « Les deux concepts sont souvent perçus comme antagonistes car l’économie d’aujourd’hui est basée sur une exploitation aveugle des ressources naturelles. C’est d’ailleurs là que se trouve le challenge que nous devons relever : comment concilier les deux dans un nouvel ordre économique ? Faut-il penser à sortir de la crise à tout prix ? Sous-entendu au prix d’une nouvelle exploitation aveugle des ressources, ou bien faut-il dès à présent s’orienter vers ce que les anglo-saxons nomment le «unusual business », c’est-à-dire comment intégrer les risques environnementaux dans le business ?
J’ouvre ici une parenthèse pour rappeler que nous avons déjà été alertés par de nombreux rapports, je pense notamment à celui de l’OCDE de 2012 : « Perspectives de l’environnement à l’horizon 2050 » dans lequel sont annoncées les conséquences catastrophiques de notre inaction. Aujourd’hui, la crise liée au Covid est une des premières conséquences annoncées et nous oblige à repenser notre modèle économique face à la Nature : continuer à nous imposer ou essayer de s’y adapter ? Vous devinez ma réponse…
En tous cas chez nous à IBL, nous travaillons sur un nouveau modèle économique, une nouvelle stratégie de croissance où le développement durable aura toute sa dimension et qui sera annoncée dans quelques semaines.
Dans cette perspective, Arnaud Lagesse le Group CEO IBL Ltd, a pris la présidence du CEO Forum Global Compact. Pour ma part, je suis chairperson du Global Compact Network Mauritius.

« Créer des clusters d’entreprises dans chaque île »

Questionnée sur la problématique du développement durable dans notre région, Luvna souligne que « la stratégie de la Commission de l’océan Indien colle parfaitement aux ODD car l’organisation régionale réfléchit en termes systématiques, en anglais là aussi c’est une notion qui se traduit difficilement, on parle de « collaborative thinking ». Il faut arrêter de dépendre de l’extérieur pour nos besoins les plus essentiels. Il faut repenser tout cela, en commençant par l’agro-alimentaire, régionaliser l’éducation pour un meilleur transfert des savoir-faire, une interdépendance des compétences. On sait également que la plupart des métiers qui seront pratiqués demain, en 2030, n’existent pas encore à ce jour. Or Maurice et La Réunion sont en avance sur les îles voisines en termes d’éducation, de recherche et développement. Il faut anticiper sur ces changements, identifier les compétences et les transmettre aux autres îles.
Dans cette logique, il faut arriver à créer des clusters d’entreprises dans chaque île et entre elles de façon à optimiser les compétences des PME souvent isolées, c’est l’objectif 17 tel que défini dans les ODD. En bref jouer groupés dans un nouvel ordre économique ».

Source : Le Journal des Archipels, Edition 1

Propos recueillis par Jacques Rombi

* Luvna Arnassalon Seerugen est titulaire d’une maîtrise d’ouvrage en économie du développement de l’Université Clermont Auvergne (France), d’une maîtrise de sciences (Université de Maurice), et d’un bachelor en communication et médias (Université d’Afrique du Sud). Avant d’occuper ce poste, elle était Head of Corporate Sustainability and CSR chez AfrAsia Bank Limited.