Lorsqu’on s’intéresse à la prise de conscience des problématiques liées au développement durable à La Réunion, on remarque que les choses évoluent favorablement. Selon l’étude menée par Kantar* sur le sol réunionnais, c’est plus d’un tiers des Réunionnais qui se disent personnellement concernés par les problèmes environnementaux.

Toutefois, lorsqu’on creuse dans le détail sur les 17 objectifs développés par les Nations Unies, cela permet d’isoler les différents piliers du domaine. En effet, la durabilité n’est pas seulement liée à l’environnement, mais aussi à l’environnement social et économique, formant ainsi les trois piliers qui visent à garantir l’intégrité de la planète et à améliorer la qualité de vie. Il est reconnu que l’action dans un domaine affectera les résultats dans d’autres, et que le développement doit équilibrer la durabilité sociale, économique et environnementale.
La surconsommation et le gaspillage sont, selon les Réunionnais, les défis les plus importants en ce moment, suivis de près par la pauvreté, puis viennent le réchauffement climatique, la pollution de l’air et de l’eau. Ainsi, les priorités des Réunionnais sont d’abord sociales et intimement liées au niveau et à la qualité de la vie. On remarque également que les Réunionnais sont nettement plus inquiets par les problèmes de discrimination : 44% d’entre eux contre 20% des Mauriciens et l’expérimentation animale : 45% d’entre eux contre 27% des Mauriciens par exemple. Ainsi, la dimension humaine et sociale semble prendre le dessus à la Réunion. Même si les problématiques environnementales sont secondaires, elles sont des défis majeurs pour au moins 6 Réunionnais sur 10.
D’ailleurs, les priorités d’actions durables menées par les Réunionnais sont la réduction du gaspillage alimentaire, l’achat de produits locaux et la réduction de la consommation d’énergie. Le recyclage est également  dans le top 5. Ces actions ont toutes en commun d’avoir un impact direct sur les dépenses du foyer. Elles sont menées presque comme des réflexes certainement dans cette lutte constante contre la pauvreté et le maintien d’un niveau de vie digne.

Finalement, les actions de développement durable entreprises par les Réunionnais sont davantage des réflexes de survie et du bon sens.

Ces considérations nous amènent à nous questionner sur l’évolution des conditions de vie à La Réunion ces dernières années. L’étude** menée par l’Insee sur l’évolution des indicateurs du développement durable à La Réunion sur 20 ans apporte des éléments de réponse concrets. Il s’avère d’un point de vue global que l’économie est en croissance. En effet l’accès au marché du travail s’améliore, en 2018, le taux d’emploi des 15-64 ans s’élève à  46% des Réunionnais alors qu’il était de 43% en 2007. Il faut cependant noter que c’est moins de la moitié des Réunionnais en âge de travailler qui sont en activité. De plus, en comparant l’activité selon les tranches d’âges, les écarts sont avérés. Les plus âgés se maintiennent plus longtemps en emploi que par le passé, mais les jeunes ont toujours autant de difficultés à s’insérer sur le marché du travail. Ainsi, la moitié des 18-25 ans ne sont ni en emploi, ni en études, comme il y a 10 ans. Ce chiffre est particulièrement inquiétant pour la jeune génération qui ne semble pas mieux équipée pour préparer l’avenir qu’il y a 10 ans.
Un autre chiffre alarmant est celui du nombre de Réunionnais vivant en dessous du seuil de pauvreté. Les richesses produites sur le territoire augmentent également, ce qui permet de réduire la pauvreté entre 2007 et 2018. Mais elle touche une part encore élevée de la population réunionnaise, 39% contre moins de 15% en Métropole. Ce chiffre atteint des records dans l’Est (47%), avec presque 1 Réunionnais sur 2 vivant en dessous du seuil de pauvreté. Sur la période, les inégalités de revenus se réduisent, en lien avec la hausse des revenus des ménages les plus pauvres. Néanmoins, les fins de mois restent difficiles pour la moitié d’entre eux. Ces améliorations sociales et économiques pourraient de surcroit être remises en question par la crise sanitaire.
Ainsi, si les Réunionnais ont à cœur le développement durable et les problématiques environnementales, les chiffres relatifs au niveau de vie et à la pauvreté soutiennent l’urgence sociale qui règne dans l’île. Finalement, les actions de développement durable entreprises par les Réunionnais sont davantage des réflexes de survie et du bon sens, mais ne serait-ce pas dans le fond, les meilleures motivations pour adopter rapidement des comportements sains et durables ?

Virginie Villeneuve, directrice associée de Kantar Consulting

Depuis plus de 20 ans dans notre région, Virginie a obtenu son doctorat es Sciences de gestion (domaine: marketing : comportement du consommateur) en 2005 à l’Université de La Réunion. Elle fut consultantepour la Chambre de Commerce et d’Industrie du département français avant de rejoindre Kantar à l’Ile Maurice en 2010. Ayant plus de 15 ans d’expérience en marketing et communication, elle dirige des projets deconseil et de stratégie et anime des ateliers stratégiques avec les clients. Elle est l’auteure de Connected Life,Essence XYZ et Future Life et travaille sur les études sociétales, notamment l’évolution du consommateur del’océan Indien afin d’identifier les tendances et les modèles.

 

*Source : Étude Kantar Sustainability Réunion – 750 répondants, échantillon national.
*Source : Insee, Objectifs du Développement Durable à la Réunion : Analyse de l’évolution des indicateurs depuis 20 ans