S’il est une expression qui résume bien l’angle d’attaque de notre dossier(1) consacré à la construction bioclimatique en Indianocéanie c’est bien celle d’un « retour aux sources » dans nos façons de construire (et plus généralement de vivre), tant nos Anciens avaient déjà tout compris.
Il aura fallu un bon demi-siècle de course effrénée à la consommation tous azimuts : maisons en béton bien modernes climatisées sur les côtes et chauffées dans les hauts, importation d’architectures occidentales copiées collées ici, avant de se brûler les ailes et de réagir.

Par Jacques Rombi, directeur de publication “Le Journal des Archipels”

La réaction n’est pas très récente, déjà aux débuts des années 90 en tant que jeune journaliste à la Direction de l’Equipement pour la revue Cases Espaces à La Réunion, mes premiers articles portaient sur les orientations de quelques architectes avant-gardistes pour l’époque. Des orientations en somme assez logiques et qui consistaient globalement à limiter le tout béton avec des matériaux alternatifs. Quand c’était déjà trop tard, quand la mauvaise construction de béton était déjà là, en plein soleil et sans circulation d’air, la solution la plus simple était alors de la refroidir en y faisant de l’ombre : couvertures en lamelles boisées ou tout simplement planter tout autour un rideau végétal à croissance rapide afin d’y apporter l’ombre nécessaire au béton surchauffé (qui relâche de surcroît son excédent calorifique la nuit venue…)

L’arbre, meilleur partenaire de la construction bioclimatique

 Si la prise de conscience vers des constructions plus intelligentes est bien réelle aujourd’hui, force est de constater que les mauvais réflexes ont toujours cours notamment chez les constructeurs particuliers. Que fait le plus souvent le propriétaire d’un terrain fraîchement acquis ou hérité ? Il rase tout, arbres centenaires compris, avant de construire et de… replanter SES arbres, qui mettront au moins trente ans avant de refaire de l’ombre !

Heureusement, notre enquête régionale tend à montrer que de bonnes initiatives prennent le pas : aménagements de smart cities alternant habitations et espaces boisés, réhabilitation de bâtiments historiques mixant savoir-faire ancestraux et technologies modernes, ou encore retour aux matériaux de construction traditionnels comme le torchis ou le bois quand c’est possible.

Fin de l’abondance ou retour aux sources ?

Fin août le président de la République française, Emmanuel Macron, annonçait à ses concitoyens la « fin de l’abondance » (en même temps que la fin des vacances et de la grande récréation annuelle comme pour souligner encore sa maladresse). Comme si le peuple français, y compris les 4 millions de mal-logés et les neuf millions sous le seuil de pauvreté monétaire*, vivait dans l’excès.
Une supposée abondance qui, soit dit au passage, est encore loin des espoirs d’une bonne moitié de l’Humanité.
Pourtant, il suffit de lire le récent rapport du GIEC, l’énoncé des 17 Objectifs du Développement Durable des Nations Unies ou même de lire les différentes éditions du Club de Rome depuis cinquante ans, (comme nous en faisions l’écho sur notre dernière édition)** pour comprendre qu’il n’est nul besoin d’aller vers une « fin de l’abondance » mais plutôt de s’orienter vers une abondance durable, en harmonie avec nos ressources et notre environnement. Les sociétés traditionnelles d’avant la révolution industrielle, y compris les sociétés traditionnelles occidentales, ne vivaient-elles déjà pas en harmonie avec leur environnement et du coup avec leurs réseaux sociaux (non virtuels faut-il préciser !).
Un retour aux sources qui, comme nous l’évoquons dans le domaine de la construction bioclimatique, permettrait de renouer avec l’équilibre et l’harmonie et limiter au passage le stress qui fait tant de mal aux santés des pays « développés ».
Il est en revanche une fin de l’abondance qu’il serait bon de préconiser et que le président Macron aurait bien fait de préciser : c’est celle qui concerne une partie de l’Humanité qui souffre paradoxalement d’excès en tous genres, notamment dans ses habitudes alimentaires et dont les abus en sucres, sels et graisses amènent à autant de maladies « modernes ».

Des Assises pour un nouveau paradigme

Mais cela aurait ciblé certains industriels de l’agro-alimentaire qui font encore la pluie et le beau temps, dans tous les sens de cette expression !
En bref, alors qu’une partie de l’Humanité souffre des effets pervers d’une abondance non maîtrisée, une autre partie est encore loin d’y avoir accès mais ne rêve pourtant que de cela !
C’est donc bien le moment de changer de paradigme et de s’orienter vers de nouveaux modèles qui verraient (enfin) une meilleure synergie entre les gouvernants et les entrepreneurs. Cela de façon à s’engager vers une exploitation raisonnée de nos ressources et une économie circulaire que prônent notre magazine à chaque édition.
Un nouveau paradigme dont les Assises du Développement Durable, qui se tiendront à Madagascar les 4 et 5 novembre prochains (et dont le Journal des Archipels est partenaire), pourraient ouvrir la voie ?
A suivre dans nos colonnes…

*D’après le dernier rapport de la Fondation Abbé Pierre sur le logement, d’après l’INSEE à propos du seuil de pauvreté.

**Le « Rapport Meadows » ou « Rapport du Club de Rome, les limites de la Croissance – 1972 » démontrait pour la première fois que la croissance ne pouvait être infinie dans un monde fini.

(1) Dossier à lire sur le JDA 8, en vente à Maurice – La Réunion – Madagascar – Mayotte – Sud de la France