Nous annoncions dans notre édition de mercredi (18 novembre NDLR) que le président du Conseil Départemental avait écrit à Annick Girardin Ministre de la mer, pour lui demander de faire de Longoni un Grand Port Maritime (GPM). Nous évoquions les difficultés à assurer cette éventuelle transformation, car passer d’une DSP à un grand port maritime ne se fait pas d’un claquement de doigt et encore moins avec un courrier adressé à la mauvaise personne, Annick Girardin n’ayant pas compétence en la matière. Ce courrier aurait à tout le moins dû être adressé au ministre de l’Industrie, à celui des Transports et à minima à celui des Outremer. Pourquoi donc s’adresser à Annick Girardin ? Afin qu’elle fasse passer ce courrier à ses collègues directement concernés?

On ne voit pas très bien pourquoi avoir besoin de cette courroie de transmission… Bref, à la limite peu importe à qui est adressé ce courrier, il fait un peu désordre à l’heure où de gros intérêts sont en jeu pour faire de Longoni la base arrière des industriels qui exploiteront le gisement gazier du Mozambique. Ces derniers ont beau avoir les yeux de Chimène pour Mayotte, ils restent des professionnels de l’économie de haut niveau et n’ont pas à se préoccuper de querelles de bac à sable de maternelle. Ilsveulent du concret, du solide, du réactif et vite. Pour eux, que le port soit grand port maritime ou petit port de Longoni, ils s’en maquillent l’oeil avec le pinceau de l’indifférence.

Alors que tout le monde est d’accord pour tenter de faire venir ces gens-là à Mayotte, car ils apporteront un souffle économique nouveau et non négligeable, la seule préoccupation de l’exécutif est de faire de Mayotte un GPM. On croit rêver ! Depuis 1992 la gestion du port de Longoni était confiée par l’Etat à la Collectivité territoriale. En juin 2004 avec l’entrée en vigueur de la décentralisation, cette gestion est passée sous la houlette du Conseil général et depuis 2011 au Département. Il est donc constant que c’est l’exécutif local qui a la main sur le port. Que sa gestion ait été confiée à la CCI ou, depuis depuis 2013, à un délégataire, c’est bien le Conseil Départemental qui est aux manettes. Or, que se passe-t-il ? Le courant ne passe plus avec Mayotte Channel Gateway (MCG) délégataire du port, les méthodes de gestion de la présidente Ida Nel, étant contestées de toutes parts. Seulement voilà, dès 2013, la femme d’affaires avait senti le gaz mozambicain et avait anticipé au niveau de ses investissements, car elle savait déjà le potentiel qui pouvait se dégager du port de Longoni avec ce champ gazier situé à quelques heures de mer de nos côtes. Certes, les méthodes d’Ida Nel sont plus rangers et boxer short, que talons aiguilles et robe cocktail…

Ayant autant de diplomatie qu’un bulldozer, elle n’a pas hésité à affronter les coups plus ou moins tordus qui ont émaillé sa prise de fonction en tant que délégataire. Même si elle a commis des erreurs, il ne faut pas perdre de vue que si Longoni est retenu comme base arrière au détriment du Kenya, ce sera en partie grâce à celle, car elle aura anticipé il faut le reconnaître, alors que l’anticipation est une qualité qui fait cruellement défaut à nos élus. Demander aujourd’hui à faire de Longoni un GPM est plutôt maladroit. Pour cela il faudrait déjà que le CD délibère pour retirer la DSP à MCG, car n’oublions pas que dans le cadre de la libre administration des collectivités, l’Etat ne peut pas interférer dans la gestion actuelle du port pour le transformer en GPM.

A admettre que le CD se désengage, il appartiendrait alors à l’Etat d’étudier la possibilité de transformer Longoni en GPM.  L’affaire serait plutôt embarrassante et ce à plus d’un titre, puisque qu’en virant Ida, il faudrait indemniser MCG à hauteur de plusieurs millions d ‘euros, ce qui pour les finances du CD ne serait pas profitable. Ensuite, compte tenu des dimensions du site actuel et de son trafic, on voit mal cette transformation se réaliser.  Avec 6 petits hectares, faire de Longoni un GPM serait ridicule. Or le plus gros problème serait celui de la crédibilité donnée aux futurs investisseurs gaziers qui ont autre chose à faire que de se retrouver au beau milieu d’une béchamel politico­économique locale à deux balles. Ca n’est pas sérieux. Souvenons nous de ce que disait M. Hattet*: “Nous ne viendrons pas pour investir, mais en tant que clients”.  Les futurs “clients” seraient donc tout à fait ravis d’arriver au beau milieu d’une guéguerre de changement de statut du port de Longoni. Soyons sérieux, l’heure n’est pas à la division s’il s’agit d’attirer des clients très fortunés prêts à dépenser beaucoup d’argent pour jouir des facilités du port de Longoni. Le CD serait plus inspiré de travailler main dans la main avec le gestionnaire du port, plutôt que de tenter de satisfaire quelques égos ou rancoeurs mal placés…

 

* Denis Hattet, représentant de Technip FMC, entreprise spécialisée dans les projets industriels liés au pétrole et au gaz. était en viste dà Mayotte le 25 octobre dernier.