Figurant parmi les principaux producteurs de quartz, duquel on extrait la silice pour produire les panneaux photovoltaïques nécessaires à l’énergie solaire, Madagascar semble posséder une carte maîtresse pour se positionner stratégiquement sur l’échiquier de l’industrie de l’énergie solaire d’aujourd’hui et de demain.
Par notre correspondant permanent,
Liva Rakotondrasata
Illustration (DR) : Centrale solaire portative développée par Filatex et Akuo
Quand on évoque les panneaux photovoltaïques actuellement commercialisés ou des travaux de recherche préfigurant la nouvelle génération de cellules solaires, la silice (ou dioxyde de silicium SiO2) représente toujours le matériau de base incontournable pour les produire. On l’extrait de différents minéraux dont la principale forme naturelle est le quartz.
Ce dernier est un minéral du groupe des silicates, sous-groupe des tectosilicates, composé de dioxyde de silicium de formule SiO2. Il se présente soit sous la forme de grands cristaux incolores, colorés ou fumés, soit sous la forme de cristaux microscopiques d’aspect translucide. A savoir que c’est la silice qui permet d’ouvrir le spectre absorption de la lumière et ainsi maximiser la collecte d’électrons, avec à la clé une augmentation de rendement.
Aujourd’hui, sur le marché, les centrales photovoltaïques affichant des rendements autour de 20 % sont principalement fabriquées avec du silicium sous sa forme polycrystalline. Pour des performances plus accentuées, les cellules sont alors majoritairement conçues à base de silicium monocristallin associé à la technologie PERC (Passivated Emitter and Rear Contact). Celle-ci consiste à réduire la surface en aluminium sur la face arrière, suite au développement d’une technologie plus ancienne appelée Al-BSF (Aluminum Back Surface Field).
Produit sous forme de lingot quasiment pur, le silicium est découpé en fines tranches, appelées wafers, qui sont traitées pour obtenir une face positive et une face négative afin d’en faire des cellules photovoltaïques. Si la silice est largement disponible et peu chère, c’est sa transformation en silicium, puis la découpe et le traitement chimique des wafers qui coûtent cher. Et c’est là que se trouve l’opportunité pour Madagascar de développer ce créneau dans le cadre de sa politique d’industrialisation.
Le Brésil et Madagascar ont les meilleures chances de sortir leur épingle du jeu
Pour produire 1 tonne de silicium, il faut 2,9 tonnes de quartz. En 2021, on estime la production mondiale à 3 millions de tonnes par 23 pays producteurs de par le monde ; mais on estime que les deux fournisseurs de quartz cristal que sont le Brésil et Madagascar ont les meilleures chances de sortir leur épingle du jeu car la qualité de leur produit est supérieure. Selon l’Agence Internationale de l’Energie, le solaire photovoltaïque misant sur le silicium (extrait du quartz) jouerait un rôle de premier plan, en fournissant au moins le tiers de la production mondiale d’électricité en 2050. Le solaire photovoltaïque passerait ainsi d’une production mondiale de 820 TWh en 2020 à 23 500 TWh dans 30 ans, c’est-à-dire presque autant que la production annuelle totale d’électricité aujourd’hui (27 000 TWh).
Au Brésil, des firmes industrielles ont déjà bien poussé leurs pions à l’instar du groupe RIMA devenu l’un des leaders nationaux dans la production de silicium, utilisé majoritairement dans la fabrication de panneaux solaires. Le groupe est actuellement accompagné par le fonds français Proparco dans son projet d’augmentation de ses capacités de production (et dans la mise en place de filtres destinés à réduire les émissions atmosphériques). A Madagascar, on est encore au stade des projets comme celui de construire une unité industrielle de production de panneaux solaires dans la région de Fianarantsoa. Un projet qui, selon une source bien établie, figure dans le programme présidentiel « Plan Emergence Madagascar » (PEM).
On sait en outre que les acteurs de premier plan dans le domaine de l’assemblage et de l’installation des équipements solaires ne sont pas contre une initiative visant à produire du polysilicium sur place. Le partenariat entre le groupe malgache Filatex et le français Akuo dans l’installation à Madagascar des unités solaires mobiles et portatives, « Solar GEM », a par exemple affirmé qu’après le bouclage de son projet pilote (2,9 MW et 6 millions d’euros d’investissement), la prochaine phase est de donner une dimension industrielle et plus intégrée au programme.
Madagascar exportait dans les années 1980 jusqu’à 2000 tonnes de quartz par an
Selon le service géologique national français (BRGM), les régions de Mananara – Rantabe (au nord de Foulepointe) et à l’ouest d’Antsirabe sont les zones où l’on trouve les plus importantes réserves de silicium contenu dans le quartz. D’autres gisements d’une envergure moindre sont identifiés à Vohémar où l’exploitation du quartz se fait toujours par ramassage et petites fouilles à partir de gîtes éluviaux et alluviaux. Les régions de l’Ihorombe (à l’ouest d’Ihosy et à Tsivory) et Tsiroanomandidy peuvent également révéler des réserves conséquentes. Selon les statistiques officielles, Madagascar exportait dans les années 1980 entre 1800 et 2000 tonnes de quartz par an. Ce chiffre a nettement baissé depuis pour ne tourner aujourd’hui qu’autour de 630 tonnes, ce qui ne représente que 0,09% des produits miniers écoulés par l’île sur le marché international.
Le potentiel est donc toujours là et attend, comme pour beaucoup d’autres secteurs à Madagascar, la mise en place d’une organisation fiable et pérenne.