L’un des panels organisé ce 12 octobre au cours du Forum Économique des îles de l’océan Indien (FEIOI)*, traitait de l’égalité femme/homme.
Invitée à participer à la table ronde, Valérie Imbert Kerambrun, directrice d’Europestone Management (conseil en marketing et communication) s’est faite porte-parole du Board of Good (BOG).
Elle nous explique ce qu’est le BOG et donne son avis sur l’intérêt d’étendre ce genre d’initiative au niveau régional.

En photo de gauche à droite : Dr Patricia Day-Hookoomsingh, Mrs Amanda Aspden Director de IORA, Mrs Valérie Kerambrun, director Europestone Management, Mrs Lillka Cuttaree Director de KIP Center for leadership. 

Qu’est-ce que Le Board Of Good ?

Le BOG est une initiative citoyenne indépendante et à but non lucratif, lancée en juillet 2021 par Natacha Emilien, suite à deux constats, le premier est celui d’une étude de Korn Ferry réalisée en 2018 qui révélait que la représentation féminine sur les boards mauriciens était de 8.7% contre 40.1% en Norvège et 36% en France. Le second constat provenait de retours de conseils d’administration disant avoir du mal à trouver des femmes susceptibles de répondre à appel.
Le BOG c’est une plateforme qui réunit des femmes dirigeantes, potentiellement candidates pour siéger aux conseils d’administration d’entreprises et d’organisation à l’île Maurice. Ce registre de femmes cheffes d’entreprise et directrices (Register of women directors) est disponible pour ceux qui le sollicitent.
Seize mois après, nous sommes  300 femmes de divers secteurs d’activités (finance, manufacturier, tourisme, éducation, consulting, entreprenariat) et avons des propositions qui circulent au sein du groupe. Nous sommes une équipe de bénévoles qui militons pour cette cause, nous avons organisé des webinars avec des participants (homme et femme) qui soutiennent la cause de la diversité et de l’inclusion au niveau des conseils d’administration. Nous continuons à animer ceréseau pour que les nouvelles venues se sentent inspirées et soutenues par leurs aînées. Nous avons placé 22 femmes depuis2021. Selon MIOD, il y aurait aujourd’hui  13% de femmes sur les conseils d’administration mauriciens, ça avance…

Les objectifs du BOG sont de recenser, de donner de la visibilité et une voix à ces femmes.

Le nom « Board of Good » a été choisi pour incarner les principes d’un leadership moral, bienveillant et inclusif. On aime àdire que nous sommes des femmes de cœur. Il est important que nos adhérentes soient des exemples de compétence, de droiture et d’ouverture d’esprit pour le reste de la société. En effet, chaque adhérente signe un « pledge of good » qui est un engagement symbolique que chacune prend pour agir en toute intégrité morale et éthique pour la société au sens large.
Le BOG est axé sur l’émancipation des femmes leaders mauriciennes. Il vise à encourager les femmes à prendre leur placedans le leadership, se défaire de leurs propres blocages afin de réaliser leurs pleins potentiels.

Pourquoi avez-vous rejoint cette initiative ?

Je suis une personne qui a toujours milité pour la justice et l’équité. L’équilibre est le moteur de toute chose dans la vie. Lorsque nous regardons nos conseils d’administration, il est clair qu’on est en non-équilibre vs la représentativité des femmes(pourtant à 51% de la population à l’île Maurice). Il est normal que nous participions à parts égales aux décisions qui impactent l’avenir de notre pays et de nos enfants. Je suis donc partisane d’œuvrer à faire bouger les lignes.
J’ai aussi rejoint la cause parce que je suis convaincue qu’en féminisant les boards : on gagne en terme de divergence d’idées. Penser à travers différents prismes et perspectives parce qu’on est issues de différents « background », expériences et histoires,  ce qui enrichit l’analyse et la prise de décision et génère de meilleurs résultats financiers. Les femmes sont souvent décisionnaires ou ayant une grande influence au niveau des achats et investissements des ménages. Leur contribution est primordiale pour comprendre le marché.

Y a t’il un intérêt à étendre cette initiative à d’autres îles ou au niveau régional ?

 Certainement car nous avons des réalités similaires. Nous venons de sociétés empreintes de valeurs traditionnelles : sociétés patriarcales où encore aujourd’hui la place de la femme est auprès de ses enfants et de son mari et des fois même auprès de la famille élargie. Une femme trop ambitieuse n’est toujours pas bien vue. Quand je suis rentrée à Maurice (en 2008), on se moquait gentiment de mon époux français parce qu’il portait une chemise rose pâle ou m’aidait à faire des tâches à la maison (des petits sourires en coin qui en disaient longs sur sa masculinité).
Le système éducatif de nos sociétés rend certainement la collaboration homme-femme complexe. A Maurice, nous avons été dans des systèmes éducatifs non-mixtes pour pas mal d’entre nous. Ce sont moins les réalités des européens. Nous gagnerions à apprendre à mieux nous connaitre pour le bien de notre société.
Un coté insulaire fait qu’on est « repérées » rapidement. On n’ose pas clamer haut et fort qu’on voudrait être incluses aux plus hauts niveaux décisionnels par pudeur et timidité. On est partisane de l’adage : « pour vivre heureux, vivons cachés … et surtout ne faisons pas de bruit ». Le blocage provient souvent de nous-même : manque de confiance en nos capacités,problème d’image de soi, culpabilité vs la famille. Il nous faut surmonter cet état d’esprit un peu étroit.

Êtes-vous pour les quotas ?

Je ne suis pas pour le quota à tout prix (Il est clair qu’il est important d’avoir des choses intelligentes à dire) mais vu la réticence culturelle au changement à Maurice, amplifiée par le cloisonnement de notre insularité, je pense que ça aiderait à ce que les choses aillent plus vite si les résultats sont mesurés. Comme disait Voltaire : Les progrès de la raison sont lents, les racines des préjugés sont profonds.
Comme mot de la fin pour les femmes qui veulent se joindre à l’initiative, je peux leur conseiller de surtout rester elles-mêmes sans s’endurcir ou jouer à l’homme. Nous sommes complémentaires et c’est ainsi qu’on ira plus loin. De continuer à rêver grand, à être dans l’action et à conserver leurs valeurs.

*La 13ème édition du FEIOI a été organisée les 11, 12 et 13 octobre 2022 au Caudan Arts Centre, Port-Louis (Maurice).