Les critiques écologiques sur l’économie mondialisée et son pilier majeur historique, le transport maritime pleuvent de toute part. Pourtant ce mode de transport – grâce au principe d’Archimède appelé aussi « poussée » – est le plus économique et le plus écologique.

En effet l’énergie requise sur l’eau pour déplacer une marchandise y est de loin la plus faible, qu’il s’agisse de comparaison avec le transport routier, le transport ferroviaire et la palme de dépense énergétique va bien sûr au transport aérien, mais en cas d’urgence comme pour des médicaments par exemple, comment faire autrement… ? A titre d’exemple, un avion-cargo va transporter au maximum en moyenne 50 tonnes de marchandises – soit l’équivalent de 2 containers maritimes équivalents 20 pieds (6 mètres de longueur avec 33 mètres cubes de capacité), là où aujourd’hui les nouveaux navires porte-containers géants transportent 20 000 containers équivalents 20 pieds (EVP).
Certes comme expliqué dans les articles précédents, les risques ne sont plus les mêmes et de nouvelles mesures d’anticipation doivent être prises, notamment vis à vis des éventuelles pollutions et autres dommages à la nature.
Le «scope» possible des interventions est vaste : de la mise en place de moteurs marine avec combustion propre (GPL, électrique, biomasse, etc.), au contrôle de sites de recyclage des navires, en passant par les branchements en énergie électrique pour les navires à quai afin de stopper les effets nocifs des fumées de moteurs lors des escales et obtenir la qualification de « green ports »… et encore beaucoup d’autres technologies qui sont en cours d’essai.

CETTE ÉVOLUTION DE PRÉVENTION ÉCOLOGIQUE PERMET DE BELLES OPPORTUNITÉS D’AFFAIRES 

Deux opportunités ont retenu notre attention.
Les eaux de ballast (masses d’eau de mer pompées dans les cales qui équilibrent les navires au cours de leur navigation) sont vidées à l’arrivée et le risque est grand d’apporter des espèces invasives dans un écosystème d’un autre pays, risque aggravé par les effets du changement climatique. Les aquaculteurs à Madagascar n’oublieront jamais l’arrivée du virus « white spot » sur la Grande île il y a 10 ans, les dommages causés et les investissements nécessaires à son éradication.  Les scientifiques ont considéré qu’il valait mieux traiter l’eau de mer et neutraliser les micro-organismes avant tout rejet dans un autre océan avec un rayonnement ultraviolet.
Autre sujet : le « fouling » qui concerne des micro-organismes, sous forme d’espèces végétales et animales qui peuvent s’accumuler sur la coque immergée du navire et donc favoriser l’importation de nouvelles espèces dans des écosystèmes parfois fragiles.
Ces deux sujets sont traités depuis des années par l’Organisation maritime internationale (OMI) au travers de programmes appelés « GloBallast » et « GloFouling ». L’OMI, agence spécialisée des Nations Unies, porte la responsabilité de mettre en place des initiatives et des procédures en faveur de la sécurité et de la sûreté en mer, mais aussi de la prévention des pollutions marines, qu’il s’agisse de l’eau ou de l’air. Le programme « GloBallast » est devenu contraignant pour les pays adhérents à l’OMI et vise à équiper d’ici 2024 un objectif de 50 000 navires avec des dispositifs embarqués d’équipements utilisant les rayons ultraviolets (UV) pour rendre « neutre » une eau qui serait porteuse d’espèces invasives. Tous ces travaux pour la modernisation et le traitement des navires ont déjà débuté, le groupe CMA CGM et l’armement Louis Dreyfus ont déjà des plannings d’installation en ce sens.
Il reste encore de très nombreux navires à équiper et les chantiers navals des îles de l’océan Indien ont une belle carte à jouer dans ces nouvelles technologies qui allient écologie et innovation.
Dans un contexte de hausse vertigineuse des taux de fret maritime et de difficultés de desserte rallongeant les « transit times » » (délais de mer) entre les ports éloignés, les nouvelles contraintes bien compréhensibles et nécessaires liées à la protection de l’environnement viennent se rajouter aux échanges maritimes mondialisés.

* PHILIPPE MURCIA, EXPERT EN ÉCONOMIE BLEUE.
Fondateur d’Ocean Company Consulting, ancien directeur régional du groupe CMA CGM pour les îles de l’océan indien, puis directeur général du Port d’Ehoala, conseille aujourd’hui le groupe malgache ENAC. Expert en économie maritime auprès de la Commission des Nations Unies pour l’Afrique (UNECA) et a fait partie du collectif qui a rédigé le livre « L’Economie bleue en Afrique : Guide Pratique ».