Cadavre de tortue à Mayotte

photo : J.Rombi

Le préfet de Mayotte Jean François Colombet a invité la presse le 18 novembre dernier sur le site des plages de Moya. Ce site, constitué d’anciens cratères volcaniques effondrés côté océan, était un sanctuaire pour la ponte des tortues marines depuis des millénaires. Jusqu’à ce que la cupidité de l’homme ne choisisse la chair et les oeufs de ces animaux épuisés pour se rendre sur les plages, pour les massacrer afin d’alimenter un marché clandestin de viandes de tortues.

L’idée du préfet étant de développer une synergie entre tous les acteurs concernés (élus de la commune de Labattoir, du Conseil départemental, association Oulanga Na Nyamba, Naturalistes de Mayotte et Sea Sheperd…). Rendez vous est déjà pris au 15 décembre prochain pour la première réunion de ce groupe de coordination.

Une (ré) action accompagnée d’investissements lourds avec par exemple la réhabilitation de la maison des gardiens pour environ 300 K€, gardiens qui sont sensés surveiller les lieux de ponte de 15h à 8h tous les jours.
Pourtant ce sont certains de ces gardiens qui seraient complices des braconniers d’après le site “notre-planete.info” :  En 2018, les gardiens employés par l’Etat français ont officiellement renoncé à surveiller la plage Moya 2 car jugée “trop dangereuse” par leur nouveau responsable. Et quand bien même, sur la plage de Moya 1, les équipes de Sea Sherperd ont constaté avec dépit le “comportement inadmissible de certains gardiens qui, pressés de rentrer chez eux, poussent du pied des mamans tortues n’ayant pas encore pondu, pour les contraindre à quitter la plage” au petit matin. De plus, au lieu de patrouiller, ils restent souvent toute la nuit dans leur cabane, ce qui laisse libre cours aux braconniers. Enfin, Sea Sheperd a constaté que les tortues braconnées n’étaient pas toujours signalées, par les gardiens, au REMMAT (Réseau d’Echouage Mahorais de Mammifères marins et de Tortues marines) comme le voudrait la procédure. Une pratique qui semble courante chez certains gardiens et qui fait le jeu des braconniers, entraînant une importante sous-estimation du nombre de tortues tuées à Mayotte.

En bref, si l’initiative du Préfet est louable, il faut néanmoins se poser la question suivante : ne serait il pas plus simple (et moins onéreux) de s’attaquer directement aux commanditaires ? La viande de tortue se vend cher, jusqu’à 40 euros le kilo d’après nos recoupements. Ce sont donc ceux qui ont le pouvoir d’achat, les “notables” de l’île, souvent bien connus et protégés par de mauvaises traditions politico-religieuses, qui sont directement responsables. En coupant la tête de ce réseau, l’Etat français éviterait ainsi qu’on ne coupe celles des tortues vertes pourtant protégées par la Convention de Washington sur les espèces menacées.

Orson Razaka