La smart city (ville intelligente) de Moka, dont le promoteur est le groupe ENL, a entrepris de faire certifier ses bâtiments, notamment ceux de Telfair Nord qui sortent de terre actuellement. Parvesh Ferag, LEED Green Associate et responsable du chantier chez le constructeur General Construction nous fait un retour sur cette expérience.

PHOTO DR : Parvesh Ferag (en médaillon) est LEED Green Associate et responsable du chantier chez General Construction – le constructeur de Telfair Nord.

Le Journal des Archipels : Sur un tel chantier, avec les exigences imposées par une certification, quels sont les plus gros challenges ?

Parvesh Ferag : Les plus gros challenges peuvent se catégoriser en deux grands axes, le premier étant le changement de mentalité. Comme pour toutes pratiques et habitudes ancrées depuis plusieurs décennies, il est difficile de changer certains comportements humains. L’éducation et la formation de tous nos collaborateurs (sur le chantier mais aussi hors chantier) est donc primordial pour pallier ce manquement. Le deuxième grand axe est le manque de structure et d’infrastructure au niveau local pour supporter les certifications de type LEED (Leadership in Energy and Environmental Design). Que ce soit au niveau des compagnies de recyclage qui sont peu nombreuses et souvent pas adaptées pour participer à des projets de telle envergure mais aussi au niveau des fournisseurs qui ont beaucoup de mal à fournir la documentation nécessaire pour répondre aux critères imposés par ce type de certification.
Ces documents connus comme les déclarations environnementales de produits (DEP ou EPD pour l’acronyme anglais) sont des analyses du cycle de vie des produits. Elles recouvrent cinq à six critères, dont le changement climatique, qui sont définis dans un esprit de transparence. L’empreinte carbone du produit est un bon exemple de critère pris en compte par une EPD. Les systèmes de notation des bâtiments écologiques tels que LEED exigent ces déclarations pour attribuer des points en vue de la certification. Même si d’importants progrès ont été réalisés dans ce domaine, il y a toujours des fournisseurs locaux qui ont beaucoup de mal à fournir des EPD pour répondre aux critères nécessaires à ce type de certification.

« nous intégrons les critères écologiques dans notre logistique »

 JDA : Économiquement, est-il beaucoup plus difficile de gérer les coûts ou au contraire, ces « bonnes pratiques » vous aident-elles à devenir plus efficaces ? En d’autres mots, forts de cette expérience, adopterez-vous ces nouvelles pratiques quasi systématiquement, comme un avantage concurrentiel ou il s’agit-il encore de normes qui doivent être exigés par le client ?
PF :
Il est plus difficile d’implémenter des procédures de type LEED lors de nos exécutions lorsque celles-ci ne sont pas étendues à tous les acteurs d’un projet. Comme pour tout effort, l’alignement des acteurs est essentiel pour que les objectifs derrières ces pratiques soient pleinement atteints. L’acteur principal étant en général le client et ses consultants, l’idéal est que ces principes soient un objectif du projet et qu’ils soient donc intégrés dès les premières phases du projet au niveau du design, comme c’est le cas sur le projet de Telfair Nord où la réduction des déchets se fait par réutilisation ou recyclage en interne du projet. En tant qu’acteur économique responsable et pleinement conscient des enjeux de notre secteur, nous intégrons les critères écologiques dans notre logistique et tous nos processus partout où cela est possible. Nous sommes structurés pour le faire. Nous avons par exemple une grande surface de stockage pour les matériaux en tout genre provenant des chantiers et qui peuvent être réutilisés sur d’autres. Nous recyclons notre papier, les huiles lourdes de machines, les pneus usés entre autres. Enfin, nous essayons toujours de mettre en synergie nos chantiers sur la réutilisation des déchets quand c’est possible mais cela reste pour le moment à l’échelle de nos projets et de notre entreprise. Une systématisation de ces pratiques serait possible s’il y avait des filières capables d’intégrer les déchets de construction à échelle industrielle.

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