Il aura fallu 10 années de collecte de données, mais surtout de passion et d’amour pour ces « personnes non humaines » comme François Sarano aime appeler les cachalots, pour collecter et analyser une data exceptionnelle qui permet aujourd’hui de comprendre qui parle à qui et à quel sujet.

En photo : François Sarano et le dernier modèle de Jason. Copyright Fabrice Guerin


En bref, un langage de clics et de miaulements que les chercheurs ont pu décrypter en partie chez les cachalots mauriciens. En effet, les pods (c’est le nom donné aux clans de cachalots) mauriciens sont particulièrement calmes avec les plongeurs, ce qui permet des interactions qui sont difficiles ailleurs dans le monde.
Pour le professeur Hervé Glotin* : « nous avons élaboré une machine que nous avons appelée JASON qui permet de localiser avec précision d’où provient les codas émis par les cachalots. En outre, nous savons désormais que le temps écoulé entre deux codas qui est de l’ordre de quelques millisecondes permet d’estimer l’âge de l’animal… »
En bref, sans entrer dans des considérations trop techniques, il est désormais possible de savoir « qui dit quoi et à qui ». C’est une première mondiale que le Journal des Archipels a pu partager avec le professeur et son équipe en visite à Maurice en avril dernier.
Ces sons émis par les cachalots, qui sont les plus forts du règne animal, portent une signature sonore qui permet d’identifier l’animal à coup sûr.
L’analyse de la nature physique des clics (IPI = Inter Pulse Interval) enregistrés par Jason a permis d’établir, pour la première fois au monde, une relation entre ces IPI et l’âge des cachalots. Cette première mondiale est particulièrement importante pour préciser la croissance de l’organe acoustique des immatures, mâles et femelles, de leur naissance à 12 ans – une période de leur vie extrêmement importante et méconnue.

Une grande première mondiale

Ces expressions ont pu être attribuées à l’individu qui les émettait et, par conséquent, être associées à son comportement. Là encore, une grande première mondiale, réalisée grâce à l’enregistreur Jason à 5 hydrophones mis au point par l’équipe du professeur Hervé Glotin. Le processeur de Jason, qui enregistre au millionième de seconde, permet de mesurer le délai d’arrivée du son sur chacun des 5 micros, et donc, de « trianguler » vers la source sonore.
Enfin, ces enregistrements, et la capacité à distinguer deux cachalots, ouvrent la porte à la mise en évidence par trajectographie des chasses concertées qui, à ce jour inaccessibles, invisibles aux humains, ne sont pas documentées.
Pour  Clarisse Coufourier, vice-présidente et responsable de communication de la Indian Ocean Marine Life Foundation : « C’est la grande première que nous souhaitons réaliser cette année avec l’équipe du Professeur Glotin – Université de Toulon-CNRS-LIS.
Cette caractérisation acoustique des différents clans qui fréquentent les abords de l’Ile Maurice permettra de mieux les dénombrer, d’évaluer les sites les plus favorables à chacun. Ces informations sont nécessaires pour mieux comprendre l’évolution globale de la population qui séjourne au large de l’île Maurice, et donc de cerner l’impact des perturbations anthropiques qui la menacent ».

A suivre dans nos colonnes

Lire le reportage complet sur notre édition 12 du magazine.

Photo : iolFoundation
A droite, le professeur Hervé Glotin, spécialiste de l’acoustique sous-marine, aux côtés de René Heuzey lors de la restitution des travaux de son équipe le 27 avril dernier à Grand Baie (Ile Maurice).