Parfois en décalage avec certains confrères qui prescrivent des médicaments manufacturés les yeux fermés, le docteur Diebolt conseille de se référer au savoir des anciens. Attention : pas pour n’importe quelle pathologie et n’importe comment.
Certaines piqûres animales peuvent être soignées par des recettes traditionnelles, comme c’est expliqué ici par des anecdotes…

« Dans l’évolution des sciences et des techniques, mon expérience personnelle m’a amené à réfléchir à l’évolution de notre médecine. En 1990, lors de mon arrivée sur l’île de la Réunion aux services des Urgences, nous prenions en charge assez fréquemment des blessures pour piqûre de poisson pierre ou poisson crapaud à la Réunion*, et portant de nombreux autres noms sur l’ensemble des îles tropicales dans le monde. Il représente le danger le plus redouté du lagon et des plages peu profondes. Possédant 12 à 13 épines dorsales reliées chacune à une glande à venin contenant une toxine qui provoque la douleur lorsque l’on marche dessus. La prise en charge à l’époque pour les blessures les plus importantes consistait à une intervention chirurgicale très traumatisante par l’ablation de ces épines avec anesthésie, incision et de nombreux mois de bandage à cause des difficultés de cicatrisation plantaire en milieu tropical. Dans les années 2000, lors de mon séjour en Polynésie Française, j‘étais dans une crique perdue de l’île de Hiva Oa aux Îles Marquises, où se trouvait le village d’Hanakue, avec son dispensaire au-dessus de la plage.
En fin d’après-midi, au bord d’une plage, un enfant hurle en sortant de l’eau et montre instantanément son pied gauche avec les 5 piqures caractéristiques de l’épine dorsale du « nohu » poisson pierre en Polynésie. Avec l’infirmier qui m’accompagnait, nous nous dirigeons vers le dispensaire avec l’enfant, un vieux pêcheur en pleine réfection de ses filets, m’interpella :

« TAOTE (Docteur), donne-moi l’enfant, je peux te montrer ? »

Il installa le jeune garçon près de lui, posa son pied sur son genou. Il prit une braise dans son feu de bois et l’approcha très délicatement de la voute plantaire au niveau des épines, en évitant soigneusement toutes brûlures de la peau. Quand l’enfant sentait la chaleur trop forte, il retirait son pied. Ce petit jeu durant bien une trentaine de minutes avec de nombreuses pauses à répéter ce geste sur le pied de l’enfant, puis il lui demanda de poser le pied à terre précautionneusement au début et celui-ci repartit jouer au foot avec ses copains.
J’en restais estomaqué et cherchait à comprendre comment ce pêcheur du bout du monde pouvait faire mille fois mieux que moi en termes de prise en charge de ce traumatisme éminemment dangereux.
Depuis les études scientifiques ont démontré la thermo sensibilité des toxines de nombreux animaux comme ceux de multiples poisons, de scolopendres, de guêpes… et bien sûr du poisson pierre. D’ailleurs les préconisations de prises en charge des piqûres du poisson pierre ont changé et on conseille maintenant l’utilisation de la chaleur sans brûler »
Les méthodes de nos anciens sont toujours d’actualité !

*Selon les sources du DISPOSITIF DE TOXICO-VIGILANCE OCEAN INDIEN (DTV-OI) environ 35 cas par an soit 1 passage aux urgences tous les 10 jours.

 

Luc Diebolt, aujourd’hui établi au Tampon (La Réunion) a une longue expérience des milieux tropicaux. Né et ayant grandi en Afrique, il fut médecin urgentiste pour les sapeurs-pompiers du Port / La Possession avant de s’envoler sous d’autres cieux : médecin itinérant en Polynésie française avant d’intégrer le milieu diplomatique en tant que médecin de l’Ambassade de France à Moroni.