photo : J.Rombi

Les côtes malgaches ont la sinistre réputation d’être pillées en toute impunité de ses ressources marines. Ailerons de requins, hippocampes et holothuries (concombres de mer) y sont sur-exploités pour satisfaire les besoins d’un marché asiatique en croissance permanente. L’entreprise française Copefrito amène une lueur d’espoir dans ce chaos écologique en exploitant à Tulear des algues et des holothuries tout en donnant de nombreux emplois aux populations locales. Explications.

La capitale du soleil, au sud ouest du pays dispose d’un pôle de recherche particulièrement performant avec l’IHSM (Institut Halieutique et des Sciences Marines) C’est dans cet institut, qui travaille en partenariat avec l’Université belge de Lièges, qu’a été inventé en 2003 un procédé révolutionnaire avec la fécondation in vitro d’une espèce comestible d’holothurie, la scabra oloturia pour être précis. Un procédé mis au point sous la direction du professeur Igor Eecckaut dans le cadre de la coopération technique avec l’Université de Tulear.
C’est dans cette ville également que l’entreprise de pêche COPEFRITO collecte poissons et crustacées depuis 20 ans. Copefrito s’est associé à Jaco CHAN KIT WAYE et d’autres actionnaires Réunionnais afin de mettre sur pied une exploitation industrielle d’holothuries. Indian Ocean Trepang (autre nom donné à l’holothurie) est alors né en 2012 afin de produire ce mets rare et recherché pour la confection de soupes dans toute l’Asie du sud est. Un marché de niche qui non seulement peut fournir de l’emploi, produire de la valeur ajoutée locale et surtout freiner les exploitations anarchiques de cette ressource indispensable aux écosytèmes marins (lire l’encadré).

Près de 1000 emplois directs

En tous cas, persuadés de tenir le bon bout d’une filière émergente, les associés de IOT mettent les moyens pour pérenniser les activités. En rachetant le brevet de reproduction in vitro à l’IHSM selon un deal gagnant-gagnant (IHSM étant actionnaire de IOT qui lui distribue des royalties régulièrement). Mais aussi en installant 40 grands bassins hors sol pour l’élevage des alevins à la sortie Est de Tulear, près de l’aéroport. Après avoir atteint un poids de 10 à 15 grammes, ils sont mis en place dans de grands parcs de grossissement dans la baie abritée de Sarodrano, au sud de la ville où ils grossissent pendant une année environ afin d’atteindre le poids de 500 grammes. Le tout strictement surveillé par des miradors immergés afin de limiter les effets du vol et autres rapines.

Des investissements lourds, de l’ordre de 2,5 millions d’euros qui doivent être gérés par un spécialiste de ce type de production très pointue. C’est Olivier Avalle qui a mis en place la production. Cet ex de l’Ifremer et de la FAO, a roulé sa bosse à travers le monde pour initier et développer des projets aquacoles souvent exclusifs. Des fermes perlières à Tahiti aux fermes de crevettes Unima, OSO ou Aqualma en passant par Réfrigépêche à Madagascar, contacté par Olivier Meraud (CEO de Copefrito & Madagascar Seafood) dès 2010 pour chapeauter ce projet innovant.

Mais il faut rester vigilant. Ce genre d’exploitation de ressources naturelles fragiles recèle encore des zones d’ombres qui peuvent vite mener à la faillite comme ce fut le cas sur une autre exploitation du côté de Diego Suarez. Là bas, une densité trop importante d’holothuries au m3 a entrainé la propagation rapide d’une infection qui a tout anéanti. Une mauvaise expérience qui ne peut que forcer le respect envers ces pionniers qui investissent et qui parfois perdent tout. Pour IOT la prise de risque fait partie du business plan et le retour sur investissement a commencé avec les premières exportations vers Hong Kong et Singapour en 2013. Même si seulement 4% de l’holothurie est exploitable une fois séchée, son prix de vente au kilo tourne autour de 120 dollars. L’autre valeur ajoutée porte sur l’impact écologique positif et sur la stabilité sociale. En employant directement 150 personnes et autant en emplois indirects, IOT est aujourd’hui un des premiers employeurs de Tulear.

L’algue rouge, du business « RSE »

A l’exploitation d’holothuries, il faut encore ajouter autant d’emplois pour la culture d’algues rouges qui est également un bel exemple de production équitable puisqu’il repose sur un système de fermage. Des juvéniles sontfournis aux villageois qui s’occupent du grossissement des algues autour de leurs villages. Plus de 300 familles sont concernées et elles sont encadrées par une quarantaine de techniciens de Copefrito.
Environ 400 tonnes d’algues séchées sont vendues par an à un seul client, l’Américain Gargill qui intègre ce produit naturel dans la gélatine pour la production de yaourts ou encore pour certains liants de produits cosmétiques. 
Ces deux types de productions sont de bons exemples de développement équitable encore malheureusement trop rares.
En rationnalisant la production d’algues et de concombres de mer, la société Copefrito intervient positivement à trois niveaux : en exploitant un brevet made in Madagascar, en limitant les exploitation sauvages (braconnages) et en fournissant massivement de l’emploi aux populations locales. Preuve s’il en faut du rôle écologique et social de Copefrito à travers IOT : l’entreprise est soutenue par les ONG Blue Venture et Recif Doctor.

Holothuries sauvages, un drame étouffé

La pêche d’holothuries sauvages, notamment sur les 1500 kilomètres de la côte ouest de Madagascar, constitue un drame à la fois écologique et humain bien camouflé car il génère d’importants revenus non déclarés comme il se doit dans toute organisation mafieuse.
Drame écologique d’abord puisque les holothuries constituent le premier filtre vivant qui tapisse les fonds sablonneux des océans. En se nourrissant des matières organiques en décomposition, ces animaux nettoient les océans de nombreuses bactéries nocives pour la vie marine tout en produisant du sable avec leurs déjections. En détruisant aveuglément la ressource, l’écosystème est détruit et de nouvelles algues viennent coloniser et étouffer les équilibres anciens (exemple des plages de Nosy Be particulièrement touchées).
Drame humain également puisque souvent ce sont de mauvais entrepreneurs asiatiques qui viennent directement collecter, avec le soutien de certaines autorités locales comme toute entreprise mafieuse « digne » de ce nom. Leurs entreprises informelles ont un fonctionnement simple : il suffit de fournir des équipements de plongée à des jeunes désoeuvrés des villages de brousse (de préférence le plus loin possible des zones urbaines pour ne pas faire de vagues). Après une formation sommaire, ou même pas de formation du tout, les jeunes aveuglés par l’argent facile enchaînent les plongées jusqu’à l’accident. On ne compte plus dans certains coins du pays, notamment le nord ouest, le nombre de morts ou d’handicapés à vie à cause de la pêche irrationnelle d’holothuries.

COPEFRITO en bref

Cette entreprise a été initiée par la coopération japonaise en 1995 qui a investi dans des infrastructures et des bateaux avant d’en faire don au gouvernement malgache. Après 5 années d’exploitation hasardeuse, c’est finalement le Français Jaco Chan Waye qui a racheté les installations et lancé une exploitation rationnelle de produits halieutiques, en bonne synergie avec les pêcheurs locaux. Associé à Olivier Meraud, Jaco Chan Waye a pu pérenniser des milliers d’emplois depuis 1995. Copefrito collecte poissons, poulpes, crabes et calamars. L’entreprise travaille en bonne intelligence avec les populations qui sont sensibilisées aux cycles de reproductions et différents paramètres pour une gestion durable des ressources.