La session annuelle de la CTOI se tient à Bangkok, en Thaïlande, depuis ce mardi 14 mai. L’UE soumettra sans aucun doute une belle proposition suggérant d’améliorer la gestion des Dispositifs de concentration des poissons (DCP), potentiellement par l’intermédiaire de l’un des États côtiers qui y sont liés.
Toutefois, si l’on examine les détails, on s’aperçoit qu’elle ne cherchera pas réellement à réduire l’impact des DCP sur les stocks de thon surexploités.

Par Roy Bealey (en médaillon)*

Ils accepteront peut-être de passer plus de temps à bricoler en prenant des mesures microscopiques pour mettre en œuvre des DCP biodégradables, par exemple, ou de partager un peu plus de leurs données, qui sont autrement protégées sous le couvert de la “confidentialité commerciale”, de peur qu’elles n’exposent leurs pratiques non durables et non conformes. Ils demanderont plus de science comme tactique de retardement, tout en continuant à cacher les données requises à tous les scientifiques, sauf à ceux de l’UE. Ils essaieront de rejeter la responsabilité sur d’autres flottes et d’autres pays, tout en sachant très bien qu’ils représentent à la fois la plus grande menace et la plus grande opportunité de sauver les stocks de thon de cette région.
Les défenseurs des senneurs à senne coulissante n’approuveront pas les mesures qui pourraient réellement réduire le nombre de thons juvéniles qu’ils peuvent capturer autour des DCP. Ils attaqueront avec véhémence et s’opposeront aux suggestions scientifiquement fondées selon lesquelles une fermeture de trois mois des DCP devrait être appliquée dans l’océan Indien, alors qu’ils ont déjà approuvé (sous la contrainte) et mis en œuvre avec succès des fermetures similaires dans tous les autres océans tropicaux – sans effondrement de l’industrie et au profit de multiples stocks de poissons et de milliers de communautés côtières tributaires du thon. Ils répliqueront par des appels peu pratiques à des fermetures complètes de la pêche afin de distraire et de retarder stratégiquement les négociations sur ce que les communautés de pêcheurs à petite échelle sont censées manger ou faire lorsqu’elles ne pêchent pas, tout en assumant injustement la charge de réparer les dommages causés aux stocks de thon par les senneurs à senne coulissante.
Ils prétendront qu’une fermeture du DCP représente les mêmes difficultés pratiques pour leurs industries, même s’ils peuvent continuer à pêcher de manière plus durable moins de juvéniles dans les “bancs libres” de thon non agrégés tout au long de l’année afin de maintenir l’approvisionnement des conserveries. Ils ne s’intéresseront pas vraiment à la santé à long terme de l’océan et des personnes qui en dépendent quotidiennement. Ils ignoreront ou tenteront de discréditer tout avis scientifique qui ne correspond pas à leur objectif de maximisation des profits à tout prix, et ils prétendront même qu’ils sont également un État côtier concerné tout en faisant les frais des riches actionnaires des sociétés de pêche espagnoles et françaises. Le pire est peut-être qu’ils continueront à être soutenus par des nations comme l’île Maurice et les Seychelles qui sont trop profondément empêtrées dans la domination néocoloniale de l’UE sur la pêche au thon pour laisser la logique l’emporter dans l’intérêt de toutes les communautés riveraines de l’océan Indien qui luttent chaque jour davantage pour simplement attraper un poisson pour le dîner.
Toute personne cherchant à assurer une gestion durable des DCP n’est pas nécessairement contre l’industrie ou le développement, elle espère simplement que les États côtiers en développement de la région veilleront à l’application d’une nouvelle proposition qui permettra de réaliser les actions durables qui font si cruellement défaut aux flottes industrielles de senneurs à senne coulissante qui utilisent des DCP dans notre région. Nous espérons qu’ils ne reculeront pas et ne se laisseront pas influencer, mais qu’ils s’en tiendront à leurs intentions de mettre fin à l’utilisation irresponsable des DCP. Cela permettra de garantir la nourriture et les moyens de subsistance des communautés côtières de cette région pour les générations à venir, et pas seulement de faire travailler certains de leurs citoyens dans des conserveries pour que le poisson et l’argent continuent d’affluer, principalement vers les parties prenantes de l’UE.
Le maintien de quelques emplois dans les conserveries ne justifie tout simplement pas que tous les autres soient à court de poisson dans toute la région. Les industries de la senne coulissante et de la conserverie continuent à réaliser d’énormes profits dans d’autres océans dotés de meilleures réglementations. Nous serions fous de poursuivre sur la voie actuelle dans l’océan Indien et, lorsque le poisson aura disparu, les flottes de senneurs appartenant à l’UE partiront, elles aussi, vers d’autres régions et changeront de pavillon sous d’autres pays qu’elles pourront influencer. Il ne nous restera plus qu’à nous regarder dans le miroir, longuement, avec embarras et défaitisme. Une chose est sûre : vous ne pourrez pas dire que vous n’avez pas été prévenus par les scientifiques, les gouvernements d’autres États côtiers, les ONG et les citoyens inquiets. L’avenir nous le dira.

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* Britannique, Roy Bealey est un scientifique expert en pêche. Détenteur d’un MSc in Ichthyology and Fisheries Science (Master en études des poissons et la science des pêcheries), il a travaillé l’Afrique, a dirigé des projets de recherche dans l’océan Indien et en Australie, et au sein de la FAO* aux Caraïbes. Il vient de se lancer à son compte après avoir travaillé au sein d’une ONG londonienne (IPNLF*) opérant aux Maldives qui promeut l’utilisation de la pêche à la ligne, jugée moins néfaste sur les stocks de poissons que la pêche à la senne. Il livre son analyse de la situation délicate et épineuse de l’utilisation des Dispositifs de concentrations de poissons (DCP) dans l’océan Indien en anticipation de la prochaine rencontre annuelle de la Commission des Thons de l’Océan Indien qui se tiendra en Thaïlande en mai.