C’est un échange d’une rare rigueur que le député de Mayotte, Mansour Kamardine, a engagé en réaction aux réponses « langue de bois » du Gouvernement français sur la sempiternelle question de la piste longue de Mayotte. Un sujet qui traîne… en longueur depuis 38 ans pour causes diplomatiques d’après le député. Extraits.

Photo de l’aéroport de Pamandzi J.Rombi (en médaillon à gauche M. Clément Beaune, à droite M. Mansour Kamardine)

Présidence de Mme Hélène Laporte – vice-présidente de l’Assemblée Nationale :
La parole est à M. Mansour Kamardine, pour exposer sa question, no 342, relative à la piste aéroportuaire de Mayotte.

  1. Mansour Kamardine
    Le besoin de construire une piste longue à Mayotte, permettant d’accueillir tout type de d’appareil, est identifié depuis 1985. Trente-huit ans plus tard, nous sommes toujours au même point, malgré les promesses du chef de l’État lors de sa visite en 2019 – les travaux devaient débuter avant la prochaine campagne présidentielle qui a eu lieu il y a plus d’un an.
    Ma question est très simple, monsieur le ministre délégué chargé des transports : pourquoi ? Qu’est-ce qui s’oppose à la réalisation de ce projet nécessaire au développement économique du territoire, alors que les études ont été finalisées en 2012 et que le projet a même été budgété ? Nous ne comprenons pas. Or nous avons besoin de comprendre. Ce matin, nous ne sommes pas venus chercher les réponses figurant dans vos fiches, mais la vérité.

 Mme la présidente : La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports.

  1. Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports
    Vous avez raison d’insister sur l’importance de ce dossier et l’engagement du Président de la République fin 2019 à Mayotte : celui de construire une piste longue à l’aéroport. Les services de l’État sont mobilisés, avec les collectivités. Un délégué à la piste longue a été nommé, vous le savez, et il est en fonction à temps plein à Mayotte. Dans les différents services de l’État, une centaine de personnes sont également mobilisées et près de 10 millions d’euros réservés pour engager les autorisations, les expertises et les études – c’est la procédure, et cela explique la longueur des délais.
    Pour ce qui est du choix du lieu d’implantation, comme vous le savez, des études complémentaires sont conduites sur un autre site possible, situé sur Grande-Terre, mais elles ne sont, à ce stade, pas conclusives. Je regrette, comme vous, ces délais mais c’est malheureusement le cas dans beaucoup de projets d’infrastructures structurants. Ces études complémentaires sont nécessaires et permettront de sécuriser juridiquement le projet, quel que soit le site finalement retenu. L’objectif est de disposer, d’ici à la fin de l’année 2023, de tous les éléments nécessaires pour justifier le choix du site d’implantation de la piste longue.
    Les études techniques relatives à la longueur de la piste à retenir concluent, pour le site actuel de l’aéroport, à une longueur de 2 600 mètres. Pour le site alternatif de Grande-Terre, la configuration des lieux permettrait d’envisager une piste plus longue. La longueur exacte sera précisée à l’issue des études en cours.
    Le lancement de la procédure de déclaration d’utilité publique est programmé pour 2024, et le début des travaux pour fin 2025 ou 2026, quels que soient le site d’implantation retenu et les caractéristiques de l’infrastructure. La durée des travaux est estimée à sept ans sur le site actuel de l’aéroport. Pour le site de Grande-Terre, la durée des travaux sera précisée dans le cadre des études en cours.
    Enfin, pour les deux options considérées, les sources de financement du projet doivent encore être affinées. Son coût exact reste à préciser, mais devrait représenter environ 500 millions d’euros. C’est un effort nécessaire, mais important, principalement financé par l’État, avec des participations du conseil départemental, du Fonds européen de développement régional (Feder) et de l’exploitant de l’aéroport.
    Certes, la procédure est longue, c’est une infrastructure essentielle et attendue de longue date, mais nous serons au rendez-vous, conformément aux engagements présidentiels.

« Vous refusez à Mayotte, territoire français, ce que vous faites à l’étranger ! »

Mme la présidente : La parole est à M. Mansour Kamardine.

  1. Mansour Kamardine
    Monsieur le ministre délégué, j’ai le sentiment que vous avez repris une fiche déjà lue dans cet hémicycle, il y a six ou sept mois, à l’occasion de la même question. La seule différence, c’est le possible changement de site, initiative prise sans consulter les autres partenaires.
    Afin, au moins, de crever l’abcès, je vais vous transmettre le sentiment des Mahorais : en réalité, le projet est régulièrement repoussé uniquement pour des considérations diplomatiques. Pendant très longtemps, l’État a souhaité que Mayotte s’appuie sur la piste longue de Moroni – en pays étranger – pour assurer son développement, ce que nous refusons. D’où mon insistance pour que ce projet voie le jour.
    Vous évoquez des questions environnementales. Mais, en tant que membre du Gouvernement, il ne vous aura pas échappé que le même type de projet, financé par l’État par le biais de l’Agence française de développement (AFD), est en cours de réalisation à Rodrigues. Nous comprenons donc d’autant moins que vous refusiez à Mayotte, territoire français, ce que vous faites à l’étranger !
    Vous ne voulez pas de ce projet à Mayotte par peur que Moroni ne fasse appel aux Russes. Mais, dans dix ou quinze ans, quand les Russes seront aux Comores et que nous chercherons à nous imposer, nous aurons bien du mal. Anticipons ! À Mayotte, nous sommes chez nous, en France, c’est pourquoi je souhaite que le projet soit réalisé.

Mme la présidente : La parole est à M. le ministre délégué.

  1. Clément Beaune, ministre délégué
    Je tiens à ce qu’il n’y ait aucune ambiguïté. Vous avez rappelé le caractère stratégique, et même souverain, de cette piste longue sur le territoire mahorais – sur le territoire français. Elle se fera, elle doit se faire. Le Président de la République s’y est engagé – c’était un engagement nouveau – en 2019. Malheureusement, les délais et les procédures sont longs, pas seulement à Mayotte, mais pour beaucoup de projets d’infrastructures structurants.
    Nous devons finir les études – ce sera le cas d’ici quelques mois. Je vous rassure : les choses, heureusement, ont avancé, le budget est mobilisé et suit la trajectoire financière afin que nous soyons au rendez-vous de cet engagement, très attendu.

Extraits de la session ordinaire de 2022-2023 – 1e séance – 23 mai 2023

Question orale sans débat : Piste aéroportuaire longue à Mayotte